D'après Basquiat, dessins de Baltimore Loth réalisés lors de la visite de la Galerie Gagosian.
S A M O ©
par Marie-Chun Rofekamp-Allaire et Baltimore Loth
«Il fut premièrement reconnu pour son art. Ensuite, il fut fameux pour être fameux, puis il est devenu fameux parce qu'il était infâme. » (Citation provenant de Radiant Child, documentaire sur Basquiat produit par Tamra Davis)
Le milieu de l'art embourgeoisé tente-t-il de se donner quelques frissons en « s'acoquinant » avec des graffiteurs et des artistes de la Bad Painting? C'est ce que nous pourrions croire en voyant cette exposition des oeuvres de Jean-Michel Basquiat à la Galerie Gagosian à New York.
Il est très étonnant de voir à quel point les œuvres de Basquiat se sont retrouvées dans un milieu riche, propret et attrayant (la Galerie Gagosian), en comparaison aux rues pauvres et délabrées de Brooklyn où cet artiste vivait. Dès notre entrée dans l'énorme espace situé à Chelsea, l'un des coins les plus prisés de New York, nous avons été impressionnés par l'envergure de cette galerie d'art et même choqués par son dispositif de sécurité. Une armée de gardiens, en majorité noirs, vêtus en complets haut de gamme, surveillait les lieux et les visiteurs. Pour nous, cela faisait un énorme contraste avec les conditions de vie pauvres et trash dans lesquelles Basquiat a vécu. Mais cela est peut-être un signe de respect de la part de Larry Gagosian, propriétaire de la galerie, envers Basquiat, qu'il considère comme un grand artiste et envers ses origines afro-américaines. Car comme vous le savez sûrement, Basquiat, alias SAMO (abréviation de l'expression The Same Old Shit) défendait grandement ses origines et sa culture.
Cette visite fut une réelle expérience, à plusieurs niveaux. D'abord, ce fut toute une émotion de voir et d'admirer réellement les œuvres d'un grand artiste dans un lieu vaste, à l'aménagement impressionnant. Puis, cela laissa la place à un sentiment incongru, celui de voir les œuvres d'un artiste de la rue qui a souvent crevé de faim dans une galerie fréquentée par les biens nantis. Nous nous sentions autant bourgeois que bums.
Ses œuvres sont si exceptionnelles qu'elles pourraient se retrouver dans un musée. Devrait-on plutôt nommer la galerie Gagosian, «Musée Gagosian»? Millionnaire, propriétaire de plusieurs galeries et acheteur de grandes œuvres, ce galeriste a su comment valoriser l'art de Basquiat.
Même si l'œuvre de cet artiste a trouvé son essor lorsqu'il était toujours en vie alors qu’il était dans la jeune vingtaine, celle-ci a connu son apogée après sa mort, à l’âge de 27 ans en 1988. Tout un succès pour un jeune Afro-Américain!
Ayant eu la chance de voir son art, sa vision du monde, nous avons trouvé qu'un aspect spécial et unique ressortait de celui-ci. Des graffitis? Des gribouillis? Des taches? Des traits un peu n'importe où et des soi-disant dessins d'enfant? Qui d'autre que Basquiat pour pouvoir transformer tous ces éléments en de l'art véritable et interpelant? En effet, son art pourrait paraître enfantin ou même crotté pour certains, mais la manière dont nous l'avons vu est tout à fait différente, et sans doute, la plus appropriée et la plus juste. Basquiat nous fait ressentir ce qu'il vit, ce qui l'entoure et ce qu'il voit. Il fait référence à plusieurs éléments ou personnalités qu'il admire. N'oublions pas qu'il est alors pris par tout un star-système qui l'empêche d'être un artiste totalement libre (il doit vendre et produire beaucoup), mais il réussit quand même à faire passer son univers et sa pensée à travers ses œuvres. Et c'est ce que nous avons reçu de lui lors de l'exposition. Nous n'avons pas jugé, mais plutôt discuté avec passion entre nous de son travail (comme il le faisait lors de ses longues conversations téléphoniques avec Andy Warhol?). Basquiat nous a transmis l'énergie qu'il aurait pu nous transmettre lui-même, s'il avait toujours été parmi nous aujourd'hui.
La Hara, une technique mixte et acrylique sur bois, créée en 1981, nous a particulièrement marqués. Ayant choqué à l'époque, à cause de son sujet très délicat sur le plan social et politique, elle reste une œuvre à ne pas manquer! Comme vous le savez, Jean-Michel Basquiat était d'origine haïtienne et n'était pas toujours perçu et traité de la même façon qu'un Américain blanc. La Hara, mot qui signifie « policier » en dialecte portoricain, a une connotation péjorative. Cette œuvre dénonce l'oppression subie par les gens de couleur aux États-Unis et surtout le système policier comme étant abusif et apeurant. "It's about 80% anger", expliquait Basquiat.
Cette réalité urbaine est très présente dans les œuvres de ce jeune artiste mort trop tôt. Comme le chroniqueur Philippe Briet l'écrivait: «l'état dans lequel il se trouve lui donne son imagination»; ce qui signifie entre autres que Basquiat faisait allusion à son contexte social et racial dans ses œuvres. D'ailleurs, sa signature tracée sur les graffitis des murs de Brooklyn est éloquente. Il signait SAMO© ou à l’aide du dessin d’une petite couronne dorée. Et Briet ajoute: «J'ai appris qu'il avait 18 ans lorsqu'il courait les rues de New York en traçant ce signe sur tous les murs. Aujourd'hui, il est le roi, c'est extraordinaire». Ainsi, son art enfantin, naïf, mal peint, proche de la poubelle (pour certains) est devenu de le l’ordre du chef-d'œuvre que les galeries de tous les genres s'arrachent et vendent à prix d'or.
Basquiat a réinventé l'art de son époque, explorant son aspect grossier, trash, comparable à la société dans laquelle évoluait cet artiste hors norme. Sa façon de dessiner et de peindre s'approprie grandement le graffiti. En effet, il utilisait les matériaux et les techniques les plus populaires dans le monde du street art et du graffiti, comme le sharpie (du nom d’une célèbre de stylo-feutres noirs), la craie, la peinture en aérosol, le rouleau, le scratch (qui consiste à gratter la surface d’un matériau), mais aussi des techniques plus académiques. Tout cela va engendrer un style d’art de la rue qui va être reconnu par les galeries bourgeoises.
Alors qui était ce jeune Basquiat qui a eu tant de popularité et qui est entré dans la légende? Pourquoi ses graffitis étaient-ils reconnus comme étant des œuvres d'art? Peut-être avait-il ce quelque chose de différent et de particulier que les autres ne possédaient pas. Ou était-ce plutôt de la chance, celle d'avoir été à la bonne place au bon moment? C'est impressionnant quand on pense au nombre de peintures et de dessins qu'il a laissés après sa mort... Plus de 1000! Il vivait pour son art. Dessiner est pour la plupart un simple divertissement, un passe-temps ou un loisir, mais pour notre jeune Basquiat, c'était sa façon de s'exprimer, de faire passer ses idées et son imaginaire d'une manière originale, riche, signifiante, à travers les murs qui longent les rues de Brooklyn.
Nous pensons que son art mérite bien tout le succès et l'impact qu'il a aujourd'hui. Nous conseillons aux jeunes, autant qu'aux plus vieux, de faire un tour à la Galerie Gagosian, car comme mentionné plus haut, ses œuvres sont exceptionnelles, puissantes et percutantes!
«Il fut premièrement reconnu pour son art. Ensuite, il fut fameux pour être fameux, puis il est devenu fameux parce qu'il était infâme. » (Citation provenant de Radiant Child, documentaire sur Basquiat produit par Tamra Davis)
Le milieu de l'art embourgeoisé tente-t-il de se donner quelques frissons en « s'acoquinant » avec des graffiteurs et des artistes de la Bad Painting? C'est ce que nous pourrions croire en voyant cette exposition des oeuvres de Jean-Michel Basquiat à la Galerie Gagosian à New York.
Il est très étonnant de voir à quel point les œuvres de Basquiat se sont retrouvées dans un milieu riche, propret et attrayant (la Galerie Gagosian), en comparaison aux rues pauvres et délabrées de Brooklyn où cet artiste vivait. Dès notre entrée dans l'énorme espace situé à Chelsea, l'un des coins les plus prisés de New York, nous avons été impressionnés par l'envergure de cette galerie d'art et même choqués par son dispositif de sécurité. Une armée de gardiens, en majorité noirs, vêtus en complets haut de gamme, surveillait les lieux et les visiteurs. Pour nous, cela faisait un énorme contraste avec les conditions de vie pauvres et trash dans lesquelles Basquiat a vécu. Mais cela est peut-être un signe de respect de la part de Larry Gagosian, propriétaire de la galerie, envers Basquiat, qu'il considère comme un grand artiste et envers ses origines afro-américaines. Car comme vous le savez sûrement, Basquiat, alias SAMO (abréviation de l'expression The Same Old Shit) défendait grandement ses origines et sa culture.
Cette visite fut une réelle expérience, à plusieurs niveaux. D'abord, ce fut toute une émotion de voir et d'admirer réellement les œuvres d'un grand artiste dans un lieu vaste, à l'aménagement impressionnant. Puis, cela laissa la place à un sentiment incongru, celui de voir les œuvres d'un artiste de la rue qui a souvent crevé de faim dans une galerie fréquentée par les biens nantis. Nous nous sentions autant bourgeois que bums.
Ses œuvres sont si exceptionnelles qu'elles pourraient se retrouver dans un musée. Devrait-on plutôt nommer la galerie Gagosian, «Musée Gagosian»? Millionnaire, propriétaire de plusieurs galeries et acheteur de grandes œuvres, ce galeriste a su comment valoriser l'art de Basquiat.
Même si l'œuvre de cet artiste a trouvé son essor lorsqu'il était toujours en vie alors qu’il était dans la jeune vingtaine, celle-ci a connu son apogée après sa mort, à l’âge de 27 ans en 1988. Tout un succès pour un jeune Afro-Américain!
Ayant eu la chance de voir son art, sa vision du monde, nous avons trouvé qu'un aspect spécial et unique ressortait de celui-ci. Des graffitis? Des gribouillis? Des taches? Des traits un peu n'importe où et des soi-disant dessins d'enfant? Qui d'autre que Basquiat pour pouvoir transformer tous ces éléments en de l'art véritable et interpelant? En effet, son art pourrait paraître enfantin ou même crotté pour certains, mais la manière dont nous l'avons vu est tout à fait différente, et sans doute, la plus appropriée et la plus juste. Basquiat nous fait ressentir ce qu'il vit, ce qui l'entoure et ce qu'il voit. Il fait référence à plusieurs éléments ou personnalités qu'il admire. N'oublions pas qu'il est alors pris par tout un star-système qui l'empêche d'être un artiste totalement libre (il doit vendre et produire beaucoup), mais il réussit quand même à faire passer son univers et sa pensée à travers ses œuvres. Et c'est ce que nous avons reçu de lui lors de l'exposition. Nous n'avons pas jugé, mais plutôt discuté avec passion entre nous de son travail (comme il le faisait lors de ses longues conversations téléphoniques avec Andy Warhol?). Basquiat nous a transmis l'énergie qu'il aurait pu nous transmettre lui-même, s'il avait toujours été parmi nous aujourd'hui.
La Hara, une technique mixte et acrylique sur bois, créée en 1981, nous a particulièrement marqués. Ayant choqué à l'époque, à cause de son sujet très délicat sur le plan social et politique, elle reste une œuvre à ne pas manquer! Comme vous le savez, Jean-Michel Basquiat était d'origine haïtienne et n'était pas toujours perçu et traité de la même façon qu'un Américain blanc. La Hara, mot qui signifie « policier » en dialecte portoricain, a une connotation péjorative. Cette œuvre dénonce l'oppression subie par les gens de couleur aux États-Unis et surtout le système policier comme étant abusif et apeurant. "It's about 80% anger", expliquait Basquiat.
Cette réalité urbaine est très présente dans les œuvres de ce jeune artiste mort trop tôt. Comme le chroniqueur Philippe Briet l'écrivait: «l'état dans lequel il se trouve lui donne son imagination»; ce qui signifie entre autres que Basquiat faisait allusion à son contexte social et racial dans ses œuvres. D'ailleurs, sa signature tracée sur les graffitis des murs de Brooklyn est éloquente. Il signait SAMO© ou à l’aide du dessin d’une petite couronne dorée. Et Briet ajoute: «J'ai appris qu'il avait 18 ans lorsqu'il courait les rues de New York en traçant ce signe sur tous les murs. Aujourd'hui, il est le roi, c'est extraordinaire». Ainsi, son art enfantin, naïf, mal peint, proche de la poubelle (pour certains) est devenu de le l’ordre du chef-d'œuvre que les galeries de tous les genres s'arrachent et vendent à prix d'or.
Basquiat a réinventé l'art de son époque, explorant son aspect grossier, trash, comparable à la société dans laquelle évoluait cet artiste hors norme. Sa façon de dessiner et de peindre s'approprie grandement le graffiti. En effet, il utilisait les matériaux et les techniques les plus populaires dans le monde du street art et du graffiti, comme le sharpie (du nom d’une célèbre de stylo-feutres noirs), la craie, la peinture en aérosol, le rouleau, le scratch (qui consiste à gratter la surface d’un matériau), mais aussi des techniques plus académiques. Tout cela va engendrer un style d’art de la rue qui va être reconnu par les galeries bourgeoises.
Alors qui était ce jeune Basquiat qui a eu tant de popularité et qui est entré dans la légende? Pourquoi ses graffitis étaient-ils reconnus comme étant des œuvres d'art? Peut-être avait-il ce quelque chose de différent et de particulier que les autres ne possédaient pas. Ou était-ce plutôt de la chance, celle d'avoir été à la bonne place au bon moment? C'est impressionnant quand on pense au nombre de peintures et de dessins qu'il a laissés après sa mort... Plus de 1000! Il vivait pour son art. Dessiner est pour la plupart un simple divertissement, un passe-temps ou un loisir, mais pour notre jeune Basquiat, c'était sa façon de s'exprimer, de faire passer ses idées et son imaginaire d'une manière originale, riche, signifiante, à travers les murs qui longent les rues de Brooklyn.
Nous pensons que son art mérite bien tout le succès et l'impact qu'il a aujourd'hui. Nous conseillons aux jeunes, autant qu'aux plus vieux, de faire un tour à la Galerie Gagosian, car comme mentionné plus haut, ses œuvres sont exceptionnelles, puissantes et percutantes!